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Depuis cinq ans, la requête « intermittent fasting » s’est hissée dans le top 10 des recherches nourriture-santé de Google, et l’année 2025 ne fait qu’amplifier la tendance.
La promesse est simple : mincir, mieux réguler sa glycémie et, peut-être, ralentir le vieillissement, le tout sans compter chaque calorie. Mais que disent réellement les essais randomisés et les méta-analyses parues ces douze derniers mois ? La science progresse vite ; il est temps de séparer le plausible du marketing.
Sous le terme générique se cachent plusieurs protocoles : l’alternate-day fasting (ADF) alterne 24 heures de quasi-jeûne et 24 heures d’alimentation libre ; le 5:2 ramène à deux jours de restriction sévère par semaine ; le time-restricted eating (TRE) condense tous les repas dans une fenêtre quotidienne de 6 à 10 heures.
Chacun active un même mécanisme : la bascule métabolique du glucose vers les acides gras, étape-clé pour stimuler l’oxydation lipidique et la production de corps cétoniques.
En juin, le BMJ a publié la plus vaste comparaison à ce jour : 213 essais contrôlés, 12 000 participants, six protocoles différents. Conclusion : l’ADF affiche la plus forte perte de poids (–5,7 kg médian à six mois), devant le TRE (–4,2 kg) et la restriction calorique continue (–4,0 kg). Mais l’écart jugé cliniquement pertinent n’est pas atteint chez les personnes obèses, et les avantages métaboliques s’estompent au-delà de six mois. Autrement dit, l’ADF n’est pas une baguette magique ; son intérêt tient surtout à la simplicité du message : un jour sur deux, on mange très peu.
Un mois plus tôt, l’école de santé publique de Harvard livrait son propre bilan : les jeûnes « fonctionnent » essentiellement parce qu’ils réduisent l’apport calorique global, sans bonus métabolique majeur par rapport à une diète méditerranéenne bien conduite. Ce constat ne condamne pas la méthode ; il rappelle qu’elle doit être choisie pour sa facilité d’adhésion, non pour une vertu hormonale supposée.
Le TRE s’appuie sur un principe de chronobiologie : respecter l’horloge interne qui prépare l’organisme à digérer de jour. Les essais randomisés restent modestes, mais plusieurs signaux émergent. Dans un protocole de dix heures de prise alimentaire sur trois mois, des adultes en surpoids ont vu leur tour de taille reculer de 4 cm sans modifier le nombre de calories absorbées thelancet.com. Une synthèse parue dans The Lancet Healthy Longevity rappelle cependant que déplacer la fenêtre trop tard dans la soirée annule l’effet glycémique, voire le renverse thelancet.com.
Le sujet intéresse aussi les travailleurs de nuit : un essai mené sur 150 infirmiers a comparé un jeûne de deux jours à 2100 kJ pendant les gardes nocturnes à la même restriction sur les jours de repos. Seul le premier scénario diminuait la glycémie à jeun, preuve que les bienfaits passent par l’alignement sur les phases veille-sommeil thelancet.com.
Impossible d’évoquer le jeûne intermittent sans parler d’autophagie, ce « nettoyage » cellulaire qui recycle protéines vieillissantes et organites endommagés. En 2024 et 2025, plusieurs équipes ont confirmé in vivo l’activation du gène LC3 dès 16 heures de privation calorique dans un modèle humain de jeûne de l’aube au crépuscule. Des biopsies musculaires montrent également une augmentation du flux autophagique après huit semaines de TRE à huit heures.
Ces travaux restent exploratoires : ils mesurent une cascade moléculaire, pas une réduction de mortalité. Mais ils attestent d’un phénomène longtemps observé seulement chez la souris.
La littérature 2025 confirme la bonne tolérance du jeûne intermittent chez l’adulte sain : les effets indésirables se cantonnent à la faim, l’irritabilité et parfois des vertiges la première semaine.
Les contre-indications demeurent : grossesse, allaitement, antécédents de troubles alimentaires, diabète traité par insuline ou sulfamides, pathologies rénales avancées. Les études actuellement enregistrées sur ClinicalTrials.gov excluent systématiquement les adolescents, faute de recul sur la croissance.
Une autre limite touche la durabilité : dans les RCT supérieures à un an, le taux d’abandon dépasse 30 % quels que soient le protocole et la population. L’ADF séduit sur le papier mais épuise socialement ; le TRE est plus simple, mais ses bénéfices reposent sur la discipline de ne pas « grignoter » hors fenêtre.
Pour un adulte sédentaire souhaitant perdre moins de 10 kg, les experts de Harvard privilégient aujourd’hui le TRE à dix heures, amorcé trois jours par semaine, avec un dîner terminé avant 20h. Les sportifs visent plutôt une fenêtre de huit heures couplée à un apport protéique suffisant (1,4 g/kg/jour) pour préserver la masse maigre, comme en atteste un essai contrôlé publié en mai.
Sur le terrain, la réussite tient à quatre leviers : prévoir la coupure calorique la veille (pour ne pas sur-manger avant le jeûne), assurer une hydratation riche en électrolytes, fractionner la reprise sur deux repas légers et programmer l’activité physique en fin de jeûne pour maximiser la lipolyse.
La literie joue même un rôle : en améliorant la qualité du sommeil, on réduit la ghréline et donc la sensation de faim matinale.
Les femmes en âge de procréer représentent un champ d’étude particulier. Certaines séries de cas rapportent des perturbations du cycle menstruel lorsque l’apport calorique chute sous 1200 kcal plusieurs jours d’affilée.
Les endocrinologues recommandent donc de maintenir un ratio protéines-glucides suffisant et d’éviter les fenêtres inférieures à huit heures plus de quatre jours par semaine. Les grands essais en cours devraient préciser ce seuil physiologique d’ici 2027.
Ni l’Autorité européenne de sécurité des aliments ni l’ANSES ne délivrent pour l’instant de repère officiel sur le jeûne intermittent, faute de consensus robuste. Mais la British Dietetic Association a actualisé sa fiche 2025 : le TRE y figure comme « option nutritionnelle envisageable » pour l’adulte obèse, à condition de conserver la densité micronutritionnelle d’une alimentation équilibrée. Les auteurs rappellent que la perte de poids demeure le principal vecteur d’amélioration des marqueurs, plus que le jeûne lui-même.
Un point rarement évoqué concerne la nature des aliments consommés en fin de fenêtre. Un dîner riche en glucides raffinés déclenche un pic insulinique que le jeûne suivant ne compense pas toujours.
Une étude transversale menée à Séoul note que les adeptes du TRE qui privilégiaient les légumes et les céréales complètes réduisaient deux fois plus leur HbA1c que ceux qui se rattrapaient avec des pizzas ou du snacking sucré. En clair, la qualité alimentaire reste le socle, le jeûne l’outil.
Les financements 2025 portent sur deux axes : la modulation du microbiote par les rythmes alimentaires et l’usage du TRE comme adjuvant aux thérapies oncologiques. Une pré-publication sur medRxiv observe déjà que douze heures de jeûne nocturne abaissent les marqueurs inflammatoires chez des patients atteints de cancer colorectal. Les premiers résultats cliniques sont attendus pour 2026.
Le cru 2025 confirme que le jeûne intermittent n’est ni un gadget ni une panacée.
L’ADF reste la méthode la plus puissante pour un impact rapide sur la balance, mais sa dureté limite l’adhésion.
Le TRE, mieux toléré, offre un compromis crédible sur le moyen terme, surtout si la fenêtre respecte le cycle circadien. Dans tous les cas, la qualité nutritionnelle, l’activité physique et le sommeil demeurent les piliers du succès, bien avant la chronologie stricte du repas.
Choisir son protocole doit donc revenir à se demander : quelle routine pourrai-je vraiment tenir un an, sans nuire à mes relations sociales et à mes signaux de faim ? La science, elle, continuera d’affiner les réponses, mais la cohérence individuelle restera la clef.
Christophe Duhamel